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ROMANS DE MOEURS ET ROMANS SOCIAUX

est interdit de les mettre en cause, sans passer immédiatement pour un révolté, un communiste ou un traître. Si excellentes soient-elles, ces institutions ne pouvaient que déformer un peuple qui n’avait pas derrière lui la tradition millénaire de celui à qui on les empruntait et les avait façonnées à son image et pour son usage. Elles nous ont sans doute servis dans notre lutte pour la survivance, mais, aujourd’hui, elles prennent, dans nos mains, une allure souvent caricaturale. La servilité, par exemple, de certains de nos dirigeants d’Ottawa envers la famille royale anglaise frise le ridicule, un ridicule qui en tuerait le prestige, si le ridicule pouvait encore tuer quelque chose chez nous. Mais ce ridicule s’étale partout sans vergogne et ceux qui se risquent à le dénoncer passent pour des originaux. Notre société, rigidement bourgeoise jusque dans ses couches prolétariennes, est une société coloniale ou « petite provinciale », prisonnière de formules et de coutumes sur lesquelles on a édifié son régime de vie. Quant à notre clergé, admirable en tant de domaines et à qui le Canada français doit au premier chef de ne pas avoir été rayé de la carte, il conserve une attitude défensive qui le fait regarder avec une infinie méfiance tout ce qui vient de l’extérieur ; il arrive que, dans son désir de tout passer au