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LIBÉRATION DU ROMAN PAYSAN

que leur prodigue la vie. Le Survenant d’abord, robuste, solide et fort en chair, est particulièrement mis en relief : ivrogne et trousseur de jupons mais généreux aussi et qui, malgré son égocentrisme, son égoïsme même et sa détermination de ne faire que ce qu’il lui plaît, quand il lui plaît, accepte à l’occasion d’être le besogneux de toutes les besognes. Les drames qu’il soulève autour de lui sont des drames intérieurs que Germaine Guèvremont suggère, plutôt qu’elle ne décrit, avec une puissance qui transperce tout le roman : drame de la jalousie d’Alphonsine et d’Amable, drame du sentiment complexe d’Angélina pour le Survenant, centré sur un amour aux contours imprécis, un amour qui ne veut pas se reconnaître, né sans doute de l’attirance créée par le mystère auréolant cet errant, et que la romancière a su fixer et rendre dans tout ce qu’il peut représenter chez une âme campagnarde, sincère, mais timide et gauche ; drame encore de l’aboulie d’Amable, toujours plein de bonnes dispositions mais incapable de passer à l’action et dont le comportement hésitant est à l’origine de la faveur dont le Survenant jouira de plus en plus auprès du père Didace ; drame du père Didace lui-même qui rejoint celui de tous les hommes de la terre, inquiets de l’avenir de leur bien, de ce bien qui est leur