Page:O'Leary - Le roman canadien-français, 1954.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
NOS PREMIERS ROMANS

çais du Canada s’est confiné à la terre ou encore à l’exploitation de thèses qui se voulaient patriotiques et où la littérature et souvent le roman lui-même s’effaçaient devant l’idée à défendre.

Je pense que Tardivel est l’exemple typique de ce dernier genre avec « Pour la Patrie », roman échevelé où l’auteur prenait peut-être pour de la vision son imagination laissée à elle-même, abandonnée la bride sur le cou, lancée à folle épouvante ; quelque chose comme un Drumont devenu subitement romancier. On dira que le polémiste verse toujours dans l’excès, qu’il plie mal son feu et son enthousiasme aux règles du roman qui, pour être lâches, n’en existent pas moins ; mais alors, qu’il ne touche pas au roman. Le roman est une chose, la polémique en est une autre ! Quant à Alonié de Lestres, dont le pseudonyme ne fut jamais un secret pour personne, ce ne sont pas ses romans à thèse, même s’ils sont nettement supérieurs à « Pour la Patrie », qui auront imposé son nom à toute une génération.

On a dit que le roman est à l’image du peuple dont il est censé traduire la vie dans son expression la plus fidèle. Il était naturel qu’à un moment donné, les maîtres ès littérature exaltassent ce que Péguy appelait la patrie charnelle ; ils obéissaient au même réflexe de défense qui fut celui de la