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NOS PREMIERS ROMANS

grité du roman, se doublait de préoccupations familiales, bêtement patriotiques ou pseudo-sociales. Nos romanciers se disputèrent ensuite, Bourget, Bordeaux, Bazin ; leur littérature qui en faisait, surtout les deux derniers, des romanciers de second ou troisième rayon dans leur propre pays, vint à son tour imprégner la nôtre au point de la sursaturer et d’envoûter nos écrivains. « Ils n’en mouraient pas tous… mais tous étaient frappés ».

Il n’y a évidemment aucun mal en soi à écrire des romans terriens, des romans exaltant le sol, la race, prise, ici, non dans son sens étroit mais dans celui d’un groupe d’hommes partageant les mêmes labeurs, menant les mêmes luttes, possédant les mêmes affinités culturelles et spirituelles ; il n’y a aucun mal à remuer la terre dans une œuvre, d’en soupeser la richesse et de dresser l’inventaire de tous les espoirs qu’elle offre. Bien au contraire ! Le mal réside dans l’excès, dans l’exclusivité, dirions-nous aujourd’hui ; on peut aimer le foie gras truffé ; mais un repas où tous les services répéteraient le même plat risquerait de donner la nausée. Barrès et son amour du sol, Giono avec ses romans agrestes n’auraient pas suffi à faire une littérature si, à côté de Barrès et de Giono et même au sein de leur œuvre, on n’avait trouvé des thèmes différents. Or, pendant plus d’un siècle, le roman fran-