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ESQUISSE HISTORIQUE

Si aujourd’hui le journaliste écrit hors de son journal, c’est peut-être parce qu’il n’y trouve plus l’entière liberté d’expression qui a fait les grands âges du journal dans la province de Québec. Le journal de ce côté-ci de la frontière a suivi l’exemple des journaux des États-Unis ; il est devenu avant tout une affaire commerciale où le grand reportage a remplacé la lutte d’idée ou d’opinion ; la littérature elle-même y trouve sa place lorsque la publicité en paye l’espace. C’est une situation de fait et l’on n’y peut rien changer, même s’il nous est permis de regretter l’époque des journaux d’idées, ces voltigeurs et francs-tireurs comme « Le Pays » de Langlois, « L’Action » de Fournier, « L’Ordre » d’Asselin, « Le Jour » d’Harvey. Il reste au journaliste, pour ne pas tomber au simple rang de rond de cuir de sa profession, de doubler son activité au journal d’une activité littéraire. Il pourra, à l’encontre de ses aînés, pris tout entier par le combat qui les tenait constamment sur la brèche — et c’est l’envers intéressant de la médaille — s’adonner au roman, à l’essai, à la critique, à l’histoire. Ses aspirations refrénées pourront trouver là la voie pour transmettre le message dont il se croit le dépositaire. C’est pour lui un travail supplémentaire, mais ce travail aidera à l’édification d’une œuvre person-