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ESQUISSE HISTORIQUE

qui savaient si bien, sans méchanceté aucune, se moquer des petits travers de chacun, de ceux du curé et de sa servante compris. Le jansénisme, forme catholique du puritanisme, était encore battu en brèche ; on se rappelait qu’à Cana, le Christ avait changé l’eau en vin et le vin n’était pas devenu une boisson immorale qu’on a vendu si longtemps à l’abri de grillages rappelant ceux des prisons ; les campagnes politiques n’avaient pas encore pris le ton prêcheur des pasteurs baptistes et la politique elle-même offrait encore prétexte à littérature.

Dans son ensemble, cependant, la politique a nui à nos lettres ; il fut sans doute une époque où il était nécessaire que les Canadiens français fissent de la politique, car elle était leur seule arme défensive contre la guerre d’extermination légale qu’on leur livrait ; mais ils en avaient si bien pris l’habitude, qu’elle devint chez eux une seconde nature. Alors qu’en d’autres pays, la jeunesse se risquait dans les essais littéraires ou le roman, la nôtre se lançait à corps perdu dans la politique ; elle en fit jusqu’à saturation, au point d’en porter aujourd’hui le poids accablant ; jadis nécessité de vie, la politique est devenue pour le jeune Canadien français un écran de fumée l’empêchant souvent de voir d’autres valeurs combien plus impor-