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ESQUISSE HISTORIQUE

compagnons, ses adeptes se retrouvant quand même autour d’un vin de bon cru et se lisant leurs vers.

Il n’en est rien resté qui puisse compter. Plusieurs, sous le coup d’une inspiration subite, ont réussi un ou deux petits joyaux, d’une matière dense et riche, d’une ciselure parfaite, qu’ils ont enfouis dans une gazette littéraire quelconque ou dans une gazette tout court. Bibeau, l’historien anglophile, a rimé et je crois qu’il est le premier Canadien dont les vers aient survécu ; Joseph Lenoir, Chauveau, le romancier-premier ministre ; Marsais, inconnu de tous les manuels de littérature, mais dont deux ou trois poèmes sont de la meilleure eau ; Elzéar Labelle qui, entre un acte de vente et un contrat de mariage, trouvait le temps de tourner de bien jolis vers ; Eustache Prud’homme et d’autres encore ont écrit des vers disséminés dans les journaux de l’époque. Certains les ont réunis en volume ; mais la médiocrité de la plupart nuit aux deux ou trois poèmes de quelque valeur. En bref, on peut quand même conclure que la poésie entrait de plain-pied au Canada français, vers le milieu du xixe siècle ; c’est précisément le moment où l’ardeur des luttes politiques pouvait se relâcher sans trop de crainte ni dommage pour le peuple canadien-français.