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ROMANS DE MŒURS ET ROMANS SOCIAUX

de haine » est écrit au rythme saccadé de la mitrailleuse dont il évoque le bruit et le débit infernal ; dès les premières pages, on entre dans l’action avec les chars d’assaut, broyeurs d’êtres et de choses, avec aussi, dans les oreilles, le crépitement des lance-flammes, à la vision apocalyptique, et les cris d’agonie d’hommes auxquels il reste à peine l’apparence humaine. Le lecteur est en quelque sorte happé et entraîné par le vertige de la guerre qu’avec sa magistrale ampleur évoque le romancier ; c’est la guerre dans toute sa plénitude, que l’on vit avec Richard qui dresse devant nos yeux son film horrible ; on a l’impression d’y prendre part, tout comme si l’on assistait à une séance de cinéma en relief ; il nous saisit dès le débarquement, sur la plage normande, jusqu’à la poussée victorieuse à travers une voie dont le sang sert de lien au ciment qui la pave ; on en subit en même temps la loi implacable qui fait grief aux hommes de redevenir normaux dans les entr’actes de folie hallucinante à laquelle ils doivent d’être des héros.

Richard transporte chez nous une formule nouvelle du roman où le style lui-même est lié à la trame : phrases hachées, coupées, qui heurtent, mais dont le but est précisément de heurter, comme heurte la guerre. Ce romancier évoque par moments le ton d’un Dos Passos et aussi du Sartre