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ROMANS DE MŒURS ET ROMANS SOCIAUX

dans « Les Plouffe » ou dans « Pierre le Magnifique », il examine quelques aspects de notre vie sociale, politique, religieuse et nationale avec un esprit railleur qui nous en fait peut-être saisir davantage les côtés déroutants, sinon tragiques. Cette ironie, même sous sa forme la plus mordante, n’est peut-être chez lui qu’un mode d’expression de sa tendresse pour ce peuple qui est le sien, au sein duquel il vit, dont il partage les joies et les peines, mais dont certaines attitudes grotesques, odieusement entretenues par certains de ses maîtres et seigneurs, l’atteignent au plus profond de son être.

Malgré la différence d’atmosphère entre ses deux premiers romans et son dernier, « Pierre le Magnifique », Lemelin demeure fidèle à lui-même tout en prenant du métier. Mais il faut s’entendre quand on parle d’une prise de métier ; car, dès son premier roman, Lemelin s’était déjà affirmé un conteur charmant, un écrivain plein de saillies ; malgré ses défauts réels ou imaginaires, il a une incontestable qualité d’écrivain. Il se laissera peut-être aller parfois à négliger la forme et il pourra arriver que sa langue n’ait pas toujours le fini ou le ciselé que l’on serait en droit d’attendre d’un romancier qui se veut un écrivain de premier plan. Mais tout le monde ne peut atteindre à la pureté de style et de langue d’un Pierre