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ROMANS DE MOEURS ET ROMANS SOCIAUX

lieu, la Montagne ». Elle accuse ici un métier déjà plus sûr ; on ne la chicanera pas trop au sujet de la lettre de Marie-Ange Lanthier qui jure par l’invraisemblance du style et des termes ; cette lettre n’est pas celle d’une prostituée accusée du meurtre de son amant, mais bien une lettre de petite bourgeoise sortie de l’une de nos bonnes maisons ; on comprend mal qu’elle ait pu commettre une telle invraisemblance. Elle manque d’ailleurs d’un certain sens des proportions ; elle n’a pas la main heureuse, par exemple, avec ses personnages de gros plan : elle les éclaire mal ; elle ne nous montre pas le trait qui pourrait les situer comme nous l’est, par exemple, le Survenant ou le père Didace de Germaine Guèvremont ou encore Florentine Lacasse de « Bonheur d’occasion ». Il faut chercher : les matériaux sont épars ; elle nous présente un peu trop ses portraits sous forme de rebus. Comme dans « Isabelle de Fréneuse », ce sont encore une fois les personnages de second plan qui sont les mieux réussis dans « Et la lumière fut » : Madame Levasseur, l’abbé Odet et la lointaine Irène Iraslew ont plus de corps que ses chefs de file et sont plus attachants, plus humains aussi ; on les sent vivre davantage, alors que dans les autres, l’auteur n’a pas su mettre la dose d’humanité qui aurait réussi à en faire des