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H. BERGSON

cause. Ce n’est donc pas la notion de causalité détermi­nante, mais celle de causalité libre, que nous puisons dans l’observation pure et simple de nous-mêmes. Com­ment expliquer la métamorphose que cette notion subit quand nous l’appliquons au monde extérieur ? Et com­ment sommes-nous amenés à l’y transporter si elle devra s’y transformer ?

Une dernière voie, semble-t-il, nous reste ouverte. Nous chercherons dans la constitution même de l’entendement, en dehors de toute expérience extérieure ou interne, l’origine et le fondement de la loi de causalité. Avant l’expérience, il y a les conditions qui rendent l’expérience possible. Au-dessus de la diversité des phé­nomènes, il y a l’effort synthétique de l’esprit. La rela­tion de cause à effet que nous établissons entre les phé­nomènes ne serait donc qu’une forme particulière de synthèse. Mais n’est-ce pas précisément cette forme par­ticulière que la psychologie doit nous expliquer ? Sans doute il est nécessaire que l’expérience soit de plus en plus unifiable pour que la pensée soit possible, et si l’on fait de notre intelligence une réceptivité pure, c’est aux choses thèmes, c’est à l’univers dans son ensemble qu’il faudra attribuer l’exigence fondamentale de l’unité : ce qui revient, en somme, à déplacer le centre de l’entende­ment plutôt qu’à en nier l’unité constitutionnelle. Mais justement parce qu’aucune philosophie ne peut se sous­traire à une conclusion de ce genre, nous devons pré­-