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H. BERGSON

Il n’est d’ailleurs pas aisé, même dans le cas des deux billes qui se poussent, de prévoir la direction que prendra la seconde pour un choc déterminé de la pre­mière : on sait comment se trompe, sur ce point, le joueur de billard inexpérimenté. Il est vrai qu’on cite encore l’exemple du feu amenant invariablement l’ébulli­tion de l’eau dans la marmite, et que ce second exemple est presque aussi classique que le premier. Mais bien des siècles ont pu s’écouler dans l’histoire de l’humanité avant que l’homme sût faire bouillir de l’eau ; il n’en appliquait pas moins, je pense, la loi de causalité. La vérité est que le nombre est très restreint des cas où nous voyons des phénomènes se succéder régulièrement. Presque toujours, dans notre expérience visuelle, le rap­port de causalité relie un phénomème vu à un phénomène simplement supposé. Mais on peut aller plus loin, et se demander si causalité, au sens que nous donnons d’ins­tinct à ce terme, signifie succession plutôt que conco­mitance. Nous disons que l’animal est cause de ses mouvements, que le poids de la pierre est cause de sa chute, etc. Pensons-nous ici que la cause soit antérieure à son effet ? Elle en serait aussi bien contemporaine.

Maintenant, n’y aurait-il pas lieu d’établir, contre cet empirisme, une distinction nette entre la relation cau­sale, telle qu’elle est appliquée dans la science, et cette même relation quand elle se présente spontanément à l’esprit ? Il est bien vrai que la physique nous découvre