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ORIGINE DE NOTRE CROYANCE À LA LOI DE CAUSALITÉ

causal, c’est notre propre activité motrice qui servait de véhicule entre la cause et l’effet. Mais, d’autre part, notre activité motrice ayant été orientée alors tout entière, par la correspondance régulière de l’impression tactile à l’impression visuelle, vers la construction ou la mise en œuvre de mécanismes fonctionnant régulièrement, c’est la régularité et non pas l’imprévu, c’est la nécessité et non pas la liberté, qui nous semble caractériser en général l’activité de la cause. Cette hypothèse explique donc pourquoi nous attribuons à la causalité extérieure des caractères opposés entre eux, et comment, dans l’in­telligence commune, ces oppositions se réconcilient.

Je me borne d’ailleurs ici à esquisser la solution du problème, en la simplifiant considérablement. Il fau­drait, pour être complet, porter son attention sur divers points, dont je signalerai seulement les deux principaux.

On remarquerait d’abord que toute éducation d’un sens, quel qu’il soit, implantera en nous la croyance à la causalité. J’ai parlé ici de la vue, parce que l’éducation des sens, pour la presque totalité des hommes, est une éducation de la vue. Mais un aveugle-né arriverait aussi bien à la loi de causalité par la coordination progressive des efforts qu’il fait pour palper un corps aux impressions tactiles qu’il en reçoit. Grâce à l’habitude, il reconnaît tout de suite un objet en le touchant : cela veut dire que le seul contact avec un objet lui suggère à l’avance les impressions tactiles qu’il en recevrait s’il en palpait les