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H. BERGSON

Mais une fois établie cette relation stable entre la forme visuelle de l’objet et son contact éventuel avec notre corps, comment ne conserverions-nous pas la même relation entre cette forme visuelle et son contact possible avec les corps en général ? Notre corps est, après tout, un objet comme les autres. Quand l’objet que nous voyons ira toucher un autre objet visible, nous attribue­rons à ce contact la même signification dynamique, au mouvement résultant la même détermination nécessaire, que lorsque l’objet touchait notre propre corps, lorsqu’il excitait notre activité motrice et provoquait, par l’inter­médiaire d’un mécanisme une fois monté, une réaction attendue et nécessaire. La loi de causalité, dans sa sim­plicité et sa naïveté originelles, ne dit pas autre chose. Elle dit que tout objet est une cause, entendant par là que toute forme visuelle déterminée est susceptible de se pro­longer en contact, résistance et impulsion déterminée, le rapport entre le premier terme et le second étant le même qu’entre nos sensations visuelles et nos mouvements, étant, en somme, sensori-moteur. Ainsi s’expliquent tous les caractères apparents de la causalité entre objets ou phénomènes extérieurs. D’un côté la cause précède l’effet, et d’autre part, étant une force d’agir, étant présente, par là, à l’effet qu’elle produit, elle en est également con­temporaine. D’un côté le rapport de la cause à l’effet participe du rapport de notre moi aux mouvements qu’il exécute, puisque, dans l’application primitive du rapport