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H. BERGSON

dans notre expérience visuelle, et même si cette succes­sion était fréquente, elle ne prendrait jamais pour nous la forme d’une relation dynamique, encore moins d’une relation nécessaire. Les phénomènes associés ici sont des phénomènes tels que, pour que le premier entraîne le second, une certaine action doive s’interposer, je veux dire notre action, le mouvement que nous faisons pour suivre des contours ou pour aller éprouver une résistance. Comment ne prêterions-nous pas à la forme visuelle quelque chose de l’action par laquelle nous croyons aller y puiser une impression tactile ? Comment n’arriverions nous pas à dire que l’objet extérieur (qui est avant tout, pour nous, un objet visuel) est la cause, au sens dyna­mique du mot, de l’impression tactile ? On comprend ainsi que le rapport causal entre les phénomènes nous appa­raisse ici comme une production active du second par le premier, comparable, par certains côtés, à la production de nos actes par notre volonté, et que nous tenions en même temps cette production pour nécessaire, à cause de la correspondance invariable entre les impressions visuelles et les impressions tactiles. Remarquons d’ail­leurs que cette invariabilité n’est pas non plus une inva­riabilité comme les autres. Par elle-même, et en tant que répétition pure et simple de deux phénomènes qui se succèdent, elle ne nous suggérerait pas l’idée d’une loi nécessaire. Mais le prolongement constant d’une impres­sion visuelle en impression tactile ne va pas sans la créa­-