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FIN DE SIÈCLE

qui ne jouent aucun rôle dans le mouvement intellectuel de la race blanche. A ces influences nocives s’en ajoute encore une que Morel n’a pas connue ou n’a pas prise en considération : le séjour dans la grande ville. L’habitant de la grande ville, même le plus riche, celui qu’entoure le luxe le plus recherché, est continuellement exposé à des influences défavorables qui amoindrissent sa force vital, bien au delà de la mesure inévitable. Il aspire un air chargé de détritus organiques, il mange des aliments flétris, contaminés, falsifiés, il se trouve dans un état perpétuel de surexcitation nerveuse, et on peut le comparer sans exagération à l’habitant d’une contrée marécageuse. L’effet de la grande ville sur l’organisme humain offre la plus grande analogie avec celui des maremmes, et sa population est victime de la même fatalité de dégénérescence et de destruction que les victimes de la malaria. La mortalité, dans la grande ville, est de plus d’un quart supérieure à la moyenne du peuple tout entier ; elle est le double de celle de la rase campagne, bien qu’en réalité elle devrait être moindre, puisque dans la grande ville prédominent les âges les plus vigoureux, où la mortalité est bien plus petite que dans l’enfance et la vieillesse [1]. Et les enfants eux-mêmes des grandes villes, qui ne sont pas enlevés de bonne heure, subissent l’arrêt de développement caractéristique relevé par Morel dans la population des contrées paludéennes [2] Ils se développent assez normalement jus-

  1. En France, la mortalité générale a été, de 1886 à 1890, de 22,21 pour 1000. Mais à Paris elle s’est élevée à 23,4, à Marseille à 34,8, dans toutes les villes de plus de 100 000 habitants à une moyenne de 28,31, dans tous les endroits de moins de 5000 habitants, à 21,74. La Médecine moderne, année 1891.
  2. Traité des dégénérescences, p. 614 et 615.