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DIAGNOSTIC

une provision de réponses imprimées aux innombrables demandes de brevets relatives à la solution de ces fantastiques problèmes. Après les recherches de Lombroso, il sera difficile aussi de nier que la dégénérescence fait également le fond des écrits et des actes de beaucoup de révolutionnaires et d’anarchistes [1]. Le dégénéré est incapable de s’adapter à des conditions données, incapacité caractéristique des variétés pathologiques de chaque espèce et certainement un des motifs principaux de leur prompte disparition. Il se révolte donc contre des états de choses et des manières de voir qui doivent nécessairement lui être importuns, ne fût-ce que parce qu’ils lui imposent le devoir d’exercer de l’empire sur lui-même, ce à quoi il est impuissant de par la débilité organique de sa volonté. C’est ainsi qu’il se met en devoir d’améliorer le monde et imagine pour la félicité du genre humain des projets qui se distinguent, sans exception, autant par leur ardent amour du prochain et leur sincérité souvent touchante, que par leur absurdité et leur monstrueuse ignorance de toutes les réalités de la vie.

Un stigmate capital du dégénéré, enfin, que j’ai réservé comme le dernier, c’est le mysticisme. « De toutes les manifestations délirantes propres aux héréditaires », dit M. Henri Colin, « il n’en est pas, croyons-nous, de plus pathognomonique que le délire mystique, ou, sans aller jusqu’au délire, que les préoccupations religieuses mys-

  1. Lombroso, La physionomie des anarchistes. Nouvelle Revue, 15 mai 1891, p. 227. « Ils ont très souvent ces stigmates de dégénérescence qui sont communs aux criminels et aux aliénés, car ils sont des anormaux, des héréditaires ».Voir aussi Pazzi ed anomali, du même auteur. Turin, 1884.