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FIN DE SIÈCLE

sonne physique et leur arbre généalogique. On rencontrerait indubitablement chez presque tous des proches parents dégénérés et un ou plusieurs stigmates qui mettent hors de doute le diagnostic « dégénérescence ». Il est vrai que fréquemment on n’oserait, par respect humain, publier le résultat d’un tel examen, et que ce dernier convaincrait seulement celui-là même qui pourrait y procéder.

A côté des stigmates physiques, la science en a aussi trouvé d’intellectuels, qui caractérisent la dégénérescence aussi sûrement que ceux-là, et ceux-ci apparaissent nettement dans toutes les manifestations vitales, notamment dans toutes les œuvres des dégénérés, au point qu’il n’est pas nécessaire de mesurer le crâne d’un écrivain ou de voir le lobe de l’oreille d’un peintre, pour reconnaître qu’il appartient à la classe des dégénérés.

On a trouvé pour ceux-ci une quantité de dénominations. Maudsley et Bail les nomment « habitants des pays-frontières », c’est-à-dire des régions limitrophes à la raison, intacte et à la folie déclarée. Magnan les appelle « dégénérés supérieurs », et Lombroso parle de « mattoïdes » (du mot italien matto, fou), et de « graphomanes », désignant par ce mot ces demi-fous qui ressentent le besoin d’écrire. En dépit de la multiplicité de ces dénominations, il s’agit d’une espèce unique d’individus, qui manifestent leur parenté par la similitude de leur physionomie intellectuelle.

L’inégalité que nous avons observée dans le développement physique des dégénérés, nous la rencontrons aussi dans leur développement intellectuel. L’asymétrie du visage et du crâne trouve en quelque sorte son pendant