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LE MYSTICISME

tout petits enfants ou d’idiots. Une grande partie des œuvres que j’ai ici en vue justifierait, sans autre forme de procès, la mise en tutelle de leurs auteurs. Comme cependant, en dépit de la folie visible de ces œuvres, les « compréhensifs » bien connus s’acharnent à découvrir en elles « de l’avenir », de « nouvelles excitations nerveuses » et des beautés d’espèce mystérieuse, et à les présenter aux gobe-mouches ébahis comme des révélations du génie, il n’est pas superflu de leur consacrer un court examen.

Une portion pas trop grande de mysticisme mène à la foi, une plus grande nécessairement à la superstition, et plus la pensée est confuse et détraquée, plus insensée sera la nature de la superstition. En Angleterre et en Amérique, celle-ci prend le plus ordinairement la forme du spiritisme et de la fondation de sectes. Des hystériques et des détraqués reçoivent des inspirations divines et se mettent à prêcher ou à prédire, ou conjurent les esprits et ont commerce avec les morts. Les histoires de revenants commencent à occuper une large place dans la littérature de fiction de l’Angleterre et à jouer dans les journaux de ce pays le rôle de bouche-trous joué auparavant dans les journaux continentaux par le serpent de mer et le vaisseau-fantôme. Il s’est formé une société qui n’a pas d’autre but que de collectionner des histoires de revenants pour en contrôler la réalité, et même des savants en renom ont été saisis du vertige du surnaturel et condescendent à servir de garants aux aberrations les plus niaises.

En Allemagne aussi le spiritisme a trouvé accès, mais, somme toute, il a jusqu’ici conquis peu de terrain. Il peut y avoir dans les grandes villes quelques petites sociétés