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FIN DE SIÈCLE

Demoiselles « fin de siècle ».

Ces échantillons font comprendre quel sens on attache au mot dans son pays d’origine. Les niais pasticheurs allemands des modes parisiennes, qui emploient « fin de siècle » à peu près exclusivement dans le sens de « grivois » et « obscène », mésusent du mot, dans leur grossière ignorance. C’est ainsi que, une génération auparavant, ils ont, par méconnaissance de sa véritable signification, abaissé l’expression « demi-monde » en lui donnant le sens de « fille de joie », tandis qu’Alexandre Dumas, son créateur, a voulu désigner par ce mot des personnes dans la vie desquelles existe un point noir et qui, pour cette raison, sont exclues du milieu auquel elles appartiennent par la naissance, l’éducation ou la position, mais dont l’attitude ne révèle pas, du moins à celui qui n’est pas au fait de la chose, qu’elles sont rejetées de leur caste.

A première vue, un roi qui vend ses droits de souverain pour un chèque considérable semble avoir peu de ressemblance avec de nouveaux mariés qui font en ballon leur voyage de noces, et le rapport entre un barnum épiscopal et une demoiselle bien élevée qui conseille à son amie un mariage d’argent mitigé par un ami de la maison, n’est pas immédiatement reconnaissable. Et cependant, tous ces cas « fin de siècle » ont un trait commun : le dédain des convenances et de la morale traditionnelles.

Telle est la conception qui gît au fond du mot « fin de siècle » : le détachement pratique de la discipline transmise, qui théoriquement subsiste encore. Pour le débauché, il signifie le vautrement sans frein, le déchaînement de la bête dans l’homme ; pour le froid égoïste, le mépris de