Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/230

Cette page n’a pas encore été corrigée
214
LE MYSTICISME

nomme les « bosses énigmatiques », a sauté aux yeux même de l’observateur absolument étranger à la science. Si l’on examine le portrait du poète par Eugène Carrière[1] dont une photographie précède le volume des poésies choisies de l’auteur, et particulièrement celui exposé en 1892 par M. Aman-Jean au Salon du Champ-de-Mars, on remarque au premier coup d’œil la forte asymétrie du crâne que Lombroso a signalée chez les dégénérés [2] et la physionomie mongoloïde caractérisée par les pommettes saillantes, les yeux bridés et la barbe rare, que le même savant regarde comme un stigmate de dégénérescence [3].

La vie de Verlaine est enveloppée de mystère, mais on sait pourtant par ses propres aveux qu’il a passé deux années en prison. Dans la pièce intitulée : Écrit en 1875[4], il raconte au long et non seulement sans honte, mais avec une nonchalance joyeuse, même vantarde, comme un véritable criminel de profession :

J’ai naguère habité le meilleur des châteaux
Dans le plus fin pays d’eau vive et de coteaux :
Quatre tours s’élevaient sur le front d’autant d’ailes,
Et j’ai longtemps, longtemps habité l’une d’elles…
Une chambre bien close, une table, une chaise,
Un lit strict où l’on pût dormir juste à son aise,…
Tel fut mon lot durant les longs mois là passés…
… J’étais heureux avec ma vie,
Reconnaissant de biens que nul, certes, n’envie.

Dans les stances qui ont pour titre : Un Conte, il dit ceci :

  1. Paul Verlaine, Choix de poésies. Paris, 1891.
  2. Lombroso, L’Homme criminel, p.  169, 181.
  3. id. Ibid., p.  226.
  4. Paul Verlaine, op. cit., p.  272.