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LES SYMBOLISTES

butiement et bégayement que, par un « symbole », ils comprennent un mot ou une suite de mots qui expriment non un fait du monde extérieur ou de la pensée consciente, mais une aperception crépusculaire à interprétations diverses qui ne contraint pas le lecteur à penser, mais lui permet de rêver, c’est-à-dire qui transmet des « dispositions d’esprit » ou émotions vagues, et non pas des processus intellectuels.

Le grand poète des symbolistes, leur modèle admiré, celui duquel ils ont reçu, de leur aveu unanime, la plus forte impulsion, c’est Paul Verlaine. En cet homme nous trouvons réunis, d’une façon étonnamment complète, tous les stigmates physiques et intellectuels de la dégénérescence, et à aucun écrivain, à ma connaissance, ne s’appliquent aussi exactement trait pour trait qu’à lui, à ses dehors somatiques, à l’histoire de sa vie, à sa pensée, à son monde d’idées et à son langage particulier, les descriptions que les cliniciens font des dégénérés. M. Jules Huret décrit ainsi son extérieur : « Sa tête de mauvais ange vieilli, à la barbe inculte et clairsemée, au nez brusque (?) ; ses sourcils touffus et hérissés comme les barbes d’épi couvrant un regard vert et profond ; son crâne énorme et oblong entièrement dénudé, tourmenté de bosses énigmatiques, élisent en cette physionomie l’apparente et bizarre contradiction d’un ascétisme têtu et d’appétits cyclopéens [1] » . Comme cela apparaît dans ces expressions ridiculement recherchées et en partie complètement absurdes, l’irrégularité du crâne de Verlaine, ce que M. Huret

  1. Jules Huret, op. cit., p. 65.