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LE MYSTICISME

M. Pierre Quillard affirme « qu’il n’y a pas d’école symboliste, et que, sous ce nom, on a réuni, bien arbitrairement, des poètes du plus réel talent et de purs imbéciles ». M. Gabriel Vicaire traite « leurs… proclamations de pures fumisteries de collégiens ». M. Laurent Tailhade enfin, un des principaux symbolistes, évente le secret : « Je n’attribuai jamais à ces jeux d’autre valeur que celle d’un amusement passager ; nous essayâmes sur l’intelligence complaisante de quelques débutants littéraires la mystification des voyelles colorées, de l’amour thébain, du schopenhauérisme et de quelques autres balivernes, lesquelles, depuis, firent leur chemin par le monde ». Même en Allemagne, nous l’avons dit.

Mais injurier n’est pas expliquer, et si l’on est en droit de mettre à leur place le plus énergiquement possible des charlatans conscients qui, à la façon des arracheurs de dents, jouent sur les foires l’homme sauvage pour soutirer de l’argent aux badauds, la colère et la raillerie, vis-à-vis des imbéciles sincères, ne sont pas à leur place. Ce sont des malades ou des infirmes qui, comme tels, ne méritent que de la pitié. Sans doute, il faut dévoiler leur mal ; seulement, depuis Pinel, les traitements rigoureux sont abolis même dans les asiles d’aliénés.

Les symbolistes, en tant que dégénérés et imbéciles sincères, ne peuvent penser que d’une manière mystique, c’est-à-dire vague. L’inconscient est en eux plus fort que le conscient, l’activité des nerfs organiques prédomine sur celle de l’écorce cérébrale grise, leurs émotions sont maîtresses de leurs aperceptions. Quand des gens de cette espèce ont l’instinct poétique et artistique, ils veulent