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LE MYSTICISME

autant que possible toutes les modifications et variations intellectuelles d’un poète, épris d’un but déterminé par lui ».

Il s’est déjà trouvé en Allemagne quelques imbéciles et idiots, quelques hystériques et graphomanes, qui prétendent comprendre ce verbiage et le ressassent à leur tour dans des conférences, des articles de journaux et des livres. Le philistin allemand auquel on a prêché de temps immémoral le mépris de la « platitude », c’est-à-dire du bon sens, et l’admiration de la « profondeur », c’est-à-dire, en règle générale, du bouillonnement impuissant de cerveaux mucilagineux et gélatineux incapables de penser, devient visiblement inquiet et commence à se demander si, derrière ces suites de mots absolument dépourvues de sens, il ne se cache pas pourtant quelque chose. En France, on n’est pas tombé dans le panneau tendu par de pauvres sots et des farceurs de sang-froid, et l’on a reconnu le symbolisme pour ce qu’il est : de la folie ou du charlatanisme. Nous rencontrerons ces qualifications dans la bouche de représentants autorisés de toutes les tendances littéraires.

« Les symbolistes », s’écrie M. Jules Lemaître, « ça n’existe pas… Ils ne savent pas eux-mêmes ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent ; c’est quelque chose qui est là, sous terre, qui remue, qui grouille, mais qui n’affleure pas, comprenez-vous ? Quand, à grand’peine, ils ont produit quelque chose, ils veulent bâtir, autour, des formules et des théories, mais comme ils n’ont pas le genre d’esprit qu’il faut pour cela, ils n’y arrivent pas… Ce sont des fumistes, avec une part de sincérité, je l’accorde, mais