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LE MYSTICISME

Que l’argument des jésuites, tel que l’exposent MM. de Vogûé, Rod et autres, ait pu trouver aussi crédit en dehors des cercles ecclésiastiques et des jeunes dégénérés, au point que l’on entend aujourd’hui répéter par les esprits demi-cultivés : « La science est vaincue, à la religion appartient l’avenir », cela est étroitement lié aux particularités intellectuelles de la foule. Celle-ci ne remonte jamais aux faits, mais répète les phrases toutes faites qui ont été dites devant elle. Si elle tenait compte des faits, elle saurait que le nombre des Facultés des sciences, des professeurs et élèves, des revues et livres, de leurs abonnés et lecteurs, des laboratoires, des sociétés savantes et des communications aux académies, augmente d’année en année. On peut prouver par des chiffres que la science, loin de perdre du terrain, en gagne continuellement. Mais la foule ne s’inquiète pas des statistiques précises. Elle se laisse tranquillement suggérer l’idée par quelques journaux écrits principalement pour des membres de cercles et des catins dorées et dans lesquels les élèves des écoles de prêtres ont trouvé accès, que la science recule devant la religion. De la science elle-même, de ses prémisses, méthodes et résultats, elle n’a jamais rien su. A un certain moment, la science a été à la mode. En ce temps-là, les journaux écrivaient journellement : « Nous vivons à une époque scientifique » ; les nouvelles du jour enregistraient les voyages et les mariages des savants, les romans-feuilleton faisaient de spirituelles allusions à Darwin, les inventeurs de cannes élégantes et de parfums nommaient leurs produits « parfums d’évolution » ou « badines de sélection », et les gens à fausse prétention de culture se prenaient d’une façon sérieuse pour des