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LE MYSTICISME

nez resteraient hors de l’eau, s’il tenait tranquillement bras et mains au-dessous de celle-ci. Le mauvais cavalier qui ne se sent pas sûr de lui remonte ordinairement ses jambes et tombe certainement, tandis qu’il conserverait vraisemblablement l’équilibre, s’il les laissait tendues. Ainsi la bourgeoisie française, qui sait très bien qu’elle s’est emparée des fruits de la grande Révolution et a renvoyé les mains vides le quatrième Etat qui seul a fait celle-ci, a, en prenant le cléricalisme pour tradition sociale, choisi le plus mauvais moyen de se maintenir en possession des biens et privilèges mal acquis, et d’échapper à l’égalitarisme contre nature. Par là, elle éloigna d’elle les esprits les plus intelligents, les plus vigoureux et les plus cultivés, et poussa au socialisme beaucoup de jeunes gens qui, radicaux en matière de pensée philosophique, mais conservateurs au point de vue économique et peu épris de l’égalité, seraient devenus une force protectrice pour une bourgeoisie libre penseuse. Le socialisme, en effet, à côté de ses doctrines économiques radicales et de ses théories égalitaires impossibles, représente l’émancipation de la pensée.

Mais je n’ai pas à juger ici si le mimétisme religieux de la bourgeoisie française, qui doit la rendre semblable à la noblesse historique, exercera ou non l’action protectrice attendue ; j’établis simplement le fait de ce mimétisme. Il a pour résultante que tous les riches parvenus tranchant du grand seigneur envoient leurs fils dans les écoles de jésuites. Être élevé par les jésuites, c’est là un signe de caste, presque comme de faire partie du Jockey-Club. Les anciens élèves des jésuites forment une franc-maçonnerie