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LES SYMBOLISTES

supérieures, et avant tout celles que la grande Révolution a portées au sommet.

Les petits-fils des serfs ruraux qui pillèrent et détruisirent les châteaux seigneuriaux, en égorgèrent lâchement les habitants et s’emparèrent de leurs terres ; les descendants des boutiquiers et des savetiers des villes qui s’enrichirent par la politique des rues et des clubs, la spéculation sur les biens nationaux et les assignats, ainsi que par des fraudes dans les fournitures militaires, ne veulent pas être confondus avec la foule ; ils veulent former un État privilégié ; ils veulent être reconnus comme caste supérieure. Ils cherchèrent, dans ce but, une marque distinctive qui fit voir immédiatement en eux des membres d’une élite sociale, et ils la trouvèrent dans le cléricalisme.

On comprend ce choix. La foule, notamment celle des villes, est en France absolument incrédule, et la vieille noblesse historique qui, au xviiie siècle, se targuait d’irréligion, est sortie très pieuse du cataclysme de 1789, car elle comprit ou soupçonna le rapport intime entre les idées et symboles antiques de la foi, la royauté et la noblesse féodale. Par leur cléricalisme, les parvenus établissaient donc à la fois un contraste entre eux et la foule dont ils voulaient se séparer, et une ressemblance avec la caste au sein de laquelle ils brûlaient de se glisser ou de faire irruption.

L’expérience enseigne que l’instinct de conservation est souvent le pire conseiller dans les situations dangereuses. L’homme qui ne sait pas nager et qui tombe à l’eau lève involontairement les bras, ce qui a pour résultat que la tête plonge et qu’il se noie, tandis que sa bouche et son