Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée
198
LE MYSTICISME

critique ; celles que présente un dégénéré sont absolument inutilisables. Car, chez lui, les impulsions d’action et de pensée proviennent de l’inconscient, et la conscience invente après coup, pour les idées et les actes dont elle ignore elle-même la réelle provenance, des raisons spécieuses et jusqu’à un certain point plausibles. Dans tous les livres sur la suggestion, on cite des pendants au cas typique de Charcot : on plonge une hystérique dans le sommeil hypnotique et on lui suggère qu’à son réveil elle doit poignarder un des médecins présents. On la réveille, elle prend le poignard et fond sur la victime désignée. On lui arrache l’arme et on lui demande pourquoi elle veut tuer le médecin. Elle répond sans hésiter : « Parce qu’il m’a fait du mal ». Remarquez bien qu’elle le voyait pour la première fois de sa vie. Cette personne éprouvait à l’état de veille le besoin de tuer le médecin. Sa conscience n’avait aucune idée de ce que ce besoin lui avait été suggéré dans l’état hypnotique. Que l’on ne tue jamais sans motif, c’est ce que sait la conscience. Forcée de trouver le mobile de la tentative de meurtre, la conscience tombe immédiatement sur le seul raisonnable dans le cas donné, et elle s’imagine qu’elle en est venue à l’idée de meurtre pour tirer vengeance d’un tort subi.

L’hypothèse de M. Paul Janet sur la double personnalité offre une explication de ce phénomène de la vie psychique. « Tout homme, dit-il, présente deux personnalités, une consciente et une inconsciente. Chez l’homme normal, elles sont égales, complètes toutes les deux, équilibrées ; chez l’hystérique, elles sont inégales, déséquilibrées. Une des deux personnalités, la première générale-