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LE MYSTICISME

se livre à des attaques continuelles contre l'« empirisme dit scientifique », parle des « négatifs », parmi lesquels il range « les empiristes ou mécanistes absorbés dans leur unique attention aux forces physiques et fatales », et proclame bien haut son dessein « d’infirmer la valeur de la méthode empirique [1] ».

Même un penseur sérieux, M. Fr. Paulhan, arrive, dans son enquête sur les causes du néo-mysticisme français, à la conclusion que la science exacte s'est montrée impuissante à satisfaire les besoins de l’humanité. « Nous nous sentons, dit-il, environnés d’un inconnu immense où nous demandons au moins qu’on nous réserve un accès. L’évolutionnisme, comme le positivisme, a fermé le passage… Pour toutes ces raisons, l’évolutionnisme devait, tout en laissant de grandes idées, se montrer impuissant à suffire à la direction des esprits [2] ».

Si écrasante que puisse sembler cette unanimité d’esprits solides et estimables et de graphomanes imbéciles, elle ne renferme cependant pas la moindre étincelle de vérité. Prétendre que le monde se détourne de la science parce que la méthode « empirique », c’est-à-dire la méthode scientifique de l’observation et de l’enregistrement des faits, a subi un naufrage, cela est ou un mensonge conscient ou de l’irresponsabilité intellectuelle. Un esprit sain et loyal doit presque avoir honte de prouver cette proposition. La science a donné dans les dernières périodes décennales, grâce à l’analyse spectrale, des renseignements sur la nature des astres les plus lointains,

  1. Paul Desjardins, Le devoir présent. Paris, 1892, p. 5, 8, 39.
  2. Fr. Paulhan, Le nouveau mysticisme. Paris, 1891, p. 120.