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LE MYSTICISME

quelque terminologie. Rares ceux qui savent profondément de quoi ils traitent, ceux qui ne cherchent pas à faire étalage et parade d’un parler sans autre mérite qu’une vanité de syllabes [1] ». Je laisse naturellement à M. Charles Morice la responsabilité du manque de sens de la tournure de phrase finale.

Les habitués du « François 1er » paraissaient à une heure de l’après-midi à leur café et y restaient jusqu’à l’heure du dîner. Immédiatement après ils y retournaient, et ne quittaient leur quartier général que longtemps après minuit. Aucun des symbolistes, naturellement, n’avait d’occupation classée. De même qu’ils sont inaptes à l’étude méthodique, ces dégénérés l’étaient et le sont aussi à l’accomplissement d’un devoir régulier. Quand cette insuffisance organique se présente chez un homme des basses classes, il devient vagabond ; chez une femme de la même classe, elle mène à la prostitution ; chez les membres des classes supérieures, elle prend la forme du bavardage artistique et littéraire, l’esprit populaire allemand révèle un profond soupçon du rapport réel des choses, quand il applique à ces flâneurs esthétiques le nom de « voleurs des jours », « Tagedieb ». Car le vol de profession et le penchant insurmontable à l’oisiveté bavarde affairée et pleine d’importance découlent de la même source : la faiblesse native du cerveau.

Sans doute, les buveurs de bocks des cafés n’ont pas conscience de leur infirmité intellectuelle. Ils trouvent pour leur incapacité de se soumettre à une discipline et

  1. Charles Morice, La Littérature de tout à l'heure. Paris, 1889, p. 274.