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LE MYSTICISME

nous y rencontrerions partout le même mélange du transcendant et de la volupté, la même pensée vaporeuse, les mêmes associations absurdes d’idées s’excluant les unes les [autres. 11 faut toutefois indiquer encore certaines particularités du poète, parce qu’elles caractérisent le travail cérébral des dégénérés imbéciles.

Avant tout, nous sommes frappés de sa prédilection pour les refrains. Le refrain est un excellent moyen pour révéler un état d’âme dans lequel prédomine une forte émotion. Il est naturel, par exemple, que l’amant qui aspire à sa bien-aimée soit toujours de nouveau hanté, au milieu des autres idées qui s’imposent de temps à autre à lui, par la pensée de cette bien-aimée. Il est également compréhensible, pour citer un autre exemple, que le malheureux torturé par des désirs de suicide ne puisse bannir de son esprit une « fleur de l’âme damnée » aperçue au cours d’une promenade nocturne, et dont la représentation répond à la disposition de son âme. (Voyez la pièce de Henri Heine : « Au carrefour sont enterrés ceux qui ont péri par le suicide »… où le vers : « la fleur de l'âme damnée », revient à la fin des deux strophes avec un accent terriblement significatif). Mais les refrains de Rossetti diffèrent de ce refrain naturel et compréhensible. Ils n’ont rien à voir avec l’émotion ou l’action de la pièce ; ils paraissent étrangers au milieu du cercle de ses idées. En un mot, ils ont le caractère d’une obsession que le malade ne peut supprimer, bien qu’il reconnaisse qu’elle n’a aucun rapport raisonnable avec le contenu de sa conscience à un moment donné. La pièce intitulée Troy town raconte comment Hélène, longtemps avant d’avoir