Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
LE MYSTICISME

diums de ce siècle. De même qu’aucun peuple n’a fait autant pour ses naturalistes et ne les a autant honorés, aucun peuple non plus n’a, avec autant de sincérité et de dévotion que le peuple anglais, cherché dans la foi surtout l’enseignement. L’effort vers la connaissance est donc la source principale de la religiosité anglaise. A cela il faut ajouter que les classes dominantes ne donnèrent jamais l’exemple de l’indifférence en matière de foi, mais firent systématiquement de la religiosité une marque de distinction sociale, à l’opposition de la France, où la noblesse du xviiie siècle fit du voltairianisme la marque distinctive d’une condition sociale supérieure. Le développement historique conduisit en Angleterre à deux résultats qui s’excluent en apparence l’un l’autre : à la domination de caste et à la liberté personnelle. La caste, qui est en possession de la richesse et du pouvoir, désire naturellement défendre sa situation. Elle ne peut, vu le caractère rigidement indépendant du peuple anglais, recourir à la force matérielle. Elle a donc toujours cultivé les moyens coercitifs moraux qui lui permettent de maintenir dans la soumission et l’obéissance les classes inférieures, et, parmi ces moyens, la religion est de beaucoup le plus efficace.

Ainsi s’expliquent la foi des Anglais et en même temps le caractère religieux de leur dégénérescence intellectuelle. Le premier effet de la dégénérescence et de l’hystérie épidémiques fut le mouvement d’Oxford vers 1840. Wiseman tourna toutes les têtes faibles ; Newman passa au catholicisme ; Pusey revêtit toute la haute Église anglicane du costume romain. Le spiritisme se mit plus tard de la partie, et il est caractéristique que tous les médiums employaient