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LE MYSTICISME

l'Athenæum ce programme du romantisme : « Le commencement de toute poésie est de suspendre de nouveau la marche et les lois de la raison pensant rationnellement et de nous replonger dans le bel égarement de la fantaisie, dans le chaos primitif de la nature humaine… Le bon plaisir du poète ne souffre aucune loi au-dessus de lui ». C’est bien là la façon de penser et de parler du faible d’esprit, de l’imbécile, qui est incapable de suivre avec son activité cérébrale, en les observant et en les comprenant, les phénomènes du monde, et qui, avec la satisfaction de soi-même propre aux imbéciles, présente son défaut comme une qualité, déclare son penser confus, dominé par l’association d’idées non réfrénée, le seul juste et recommandable, et se vante de ce dont l’homme sain le plaint. A côté de l’association d’idées déréglée, on observe aussi chez la plupart des romantiques le compagnon naturel de cette faiblesse cérébrale, le mysticisme. Ce qui les enchanta, en pensant au moyen âge, ce ne fut pas la grandeur et la puissance de l’empire allemand, l’abondance et la beauté de la vie allemande de ce temps-là, mais le catholicisme avec sa foi aux miracles et son culte des saints. « Notre service divin n’en est pas un », écrit Henri de Kleist. « Il parle seulement à la froide raison : mais une fête catholique parle à tous les sens ». Incontestablement, le symbolisme abyssalement obscur du catholicisme, toute l’extériorité de ses gestes hiératiques, des mystères de Tautel, de la magnificence de ses vêtements sacerdotaux, de ses objets et œuvres d’art liturgiques, de sa subjugation des sens par le tonnerre de l’orgue, les nuages de l’encens et les ostensoirs étincelants, tout cela excite plus