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LE MYSTICISME

et continuateurs du « mouvement préraphaélite » en Angleterre. On peut supposer l’histoire de ce mouvement connue, au moins dans ses traits essentiels, et nous n’en rappellerons ici que les principaux. Trois peintres, Dante-Gabriel Rossetti, Holman Hunt et Millais, formèrent en 1848 une association qui s’intitula Preraphaelitic Brotherhood (Fraternité préraphaélitique). Quand le groupe fut formé, les peintres F.-G. Stephens et James Collinson ainsi que le sculpteur Thomas Woolner vinrent s’y joindre. Ils exposèrent à Londres, au printemps de 1849, une série de tableaux et de statues qui portaient tous, outre la signature de l’auteur, l’inscription commune P. R. B. Le résultat fut atterrant. Le public, auquel des fanatiques hystériques n’avaient pas encore imposé tyranniquement la foi à la beauté de ces œuvres et qui n’était pas encore sous l’empire de la mode inventée par les snobs esthétiques, et consistant à voir dans l’admiration pour celles-ci une marque de distinction et d’affiliation à un cercle étroit et exclusif de patriciens du goût, le public, disons-nous, alla à elles sans prévention et les trouva incompréhensibles et grotesques. Leur vue excita un rire inextinguible chez les gens de bonne humeur et de la colère chez les grincheux, qui se fâchent quand ils croient qu’on veut se moquer d’eux. La « Fraternité » ne renouvela pas sa tentative ; l’exposition P. R. B. n’eut pas de répétition. L’association elle-même se rompit, et ses membres n’ajoutèrent plus à leurs noms les lettres de ralliement. Ils ne formèrent plus une réunion fermée dans laquelle on était reçu en due et bonne forme, mais seulement un cercle libre d’amis à tendances communes, sans