Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
LE MYSTICISME

seule sensation organique normale à nous connue, qui soit semblable aux sensations de l'extase, est la sensation de la volupté, explique que les extatiques relient par l’association d’idées des représentations érotiques à leurs aperceptions extatiques ; ils interprètent l’extase elle-même comme une espèce d’acte d’amour supra-terrestre, comme une union d’espèce indiciblement élevée et pure avec Dieu ou la Sainte Vierge. Cette mise en tiers de Dieu et des saints est la conséquence naturelle d’une éducation religieuse qui engendre l’habitude d’envisager les choses inexplicables comme surnaturelles, et d’établir un rapport entre elles et les représentations de la religion.

Nous avons vu maintenant que le mysticisme découle de l’incapacité de refréner l’association d’idées par l’attention, et que cette incapacité est la conséquence de la faiblesse de la volonté, tandis que l’extase est l’effet d’une hyperexcitabilité maladive de quelques centres cérébraux. Mais l’incapacité d’attention produit encore, outre le mysticisme, d’autres particularités de la pensée que nous nous contenterons de mentionner rapidement. Aux plus bas degrés de la dégénérescence, dans l’idiotisme, l’attention manque absolument. Nulle excitation n’est capable de la faire naître, et il n’y a aucun moyen extérieur pour produire une impression dans un cerveau d’idiot et éveiller dans sa conscience des aperceptions déterminées. Dans la dégénérescence moins complète, — l’imbécillité, — l’attention est possible, mais excessivement faible et fugitive. En série ascendante on trouve chez l’imbécile d’abord la fuite d’idées, c’est-à-dire l’impuissance de fixer les représentations s’appelant automatiquement les unes les autres à la