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LE MYSTICISME

que la conscience reconnaît comme maladives. Elles n’excluent pas une activité cérébrale saine. A côté d’elles s’éveillent et s’éteignent des aperceptions normales, et la conscience s’habitue à traiter les obsessions simultanément présentes en quelque sorte comme des corps étrangers et à les exclure de ses idées et de ses jugements. A un degré plus élevé, l’obsession devient idée fixe. Les portions hyperexcitables du cerveau établissent leurs aperceptions avec une telle vigueur, que la conscience en est remplie et ne peut plus les distinguer de celles qui sont une conséquence d’impressions sensorielles et en reflètent exactement la qualité et l’intensité. Alors nous avons affaire aux hallucinations et aux délires. Au degré le plus haut enfin naît l’extase, que M. Ribot nomme « la forme aiguë de la tendance à l’unité de la conscience ». Dans l’extase, la portion cérébrale excitée travaille avec une telle violence, qu’elle supprime l’activité de tout le reste du cerveau. L’extatique est complètement insensible aux excitations extérieures. Un y a aucune aperception, aucune réunion d’aperceptions en notions et de notions en idées et jugements. Une seule aperception ou un seul groupe d’aperceptions remplit la conscience. Ces aperceptions sont de la plus grande netteté et clarté. La conscience est comme inondée d’une aveuglante lumière de midi. Il se passe donc ici exactement le contraire de ce que l’on observe chez le mystique ordinaire. A l’extase sont liées des émotions excessivement fortes dans lesquelles la plus ardente volupté se mêle à la douleur. Ces émotions accompagnent chaque activité violente et démesurée des cellules nerveuses, chaque désagrégation excessive, semblable à