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LE MYSTICISME

malades) de fixer leur attention [1] », et M. Ribot remarque : « L’homme surmené par une longue marche…, le convalescent sortant d’une grave maladie, en un mot tous les débilités, sont incapables d’attention… Cette impuissance coïncide en somme avec toutes les formes d’épuisement[2] ».

L’activité cérébrale des dégénérés et des hystériques, non surveillée ni guidée par l’attention, est capricieuse, dépourvue de plan et de but. Les représentations sont appelées à la conscience par le jeu d’association d’idées illimitées et peuvent s’y donner libre carrière. Elles s’allument et s’éteignent automatiquement, et la volonté n’intervient pas pour les renforcer ou les supprimer. Côte à côte apparaissent des représentations qui sont étrangères les unes aux autres ou s’excluent mutuellement. Comme elles sont contenues dans la conscience simultanément et à peu près avec la même intensité, la conscience, conformément à la loi de son activité, les réunit en une idée qui, nécessairement, est absurde, et ne peut exprimer les rapports réels des phénomènes.

Le manque ou la faiblesse d’attention conduit donc en premier lieu à de faux jugements sur l’univers, sur les qualités des choses et leurs rapports entre elles. La conscience obtient une image défigurée et vague du monde .extérieur. Mais il y a une seconde conséquence. Le décours chaotique des excitations le long des voies de l’association d’idées et du voisinage anatomique éveille l’activité de groupes cellulaires proches, plus éloignés et

  1. Brain, janvier 1886. Cité par Th. Ribot, Psychologie de l’attention p. 68.
  2. Th. Ribot, op. cit., p. 106 et 110.