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PSYCHOLOGIE DU MYSTICISME

groupe d’aperceptions ne lui permet pas seulement de mettre à son service, pendant la durée de son règne, les cellules cérébrales, mais l’organisme tout entier, et non seulement de se renforcer à l’aide des représentations qu’elle évoque par l’association d’idées, mais aussi de chercher de nouvelles impressions sensorielles et d’en écarter d’autres, afin d’obtenir par les unes de nouvelles excitations favorables à leur existence, de nouvelles aperceptions primitives, et d’exclure, par l’écartement des autres, les excitations qui menacent leur existence. Je vois, par exemple, dans la rue, un passant qui, pour une raison quelconque, est capable d’exciter mon attention. L’attention supprime immédiatement toutes les autres aperceptions qui étaient encore dans ma conscience, et laisse seulement subsister celles qui ont le passant pour objet. Pour renforcer ces aperceptions, je le suis des yeux, c’est-à-dire que les muscles ciliaires, les muscles oculaires, puis les muscles du cou, peut-être encore ceux du tronc et des jambes, reçoivent des impulsions motrices qui n’ont d’autre but que de me procurer, de l’objet de mon attention, toujours de nouvelles impressions sensorielles par lesquelles les aperceptions qui le concernent se renforcent et s’augmentent continuellement. Les autres personnes qui, pendant ce temps, surgissent dans mon champ visuel, je ne les remarque pas ; les sons qui frappent mon oreille, je ne m’y arrête pas ; je ne les entends peut-être même pas, si mon attention est assez forte ; je les entendrais au contraire immédiatement, s’ils émanaient du passant ou se rapportaient à lui. C’est là cette « adaptation de l’organisme tout entier à une idée prédo-