Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
LE MYSTICISME

aperceptions qui n’auraient rien de commun avec cet objet clair ou sonore ; il ne pourrait donc se faire aucune représentation de l’objet excitateur du sens, mais il devrait d’abord acquérir toute une série d’autres impressions de plusieurs sens ou de tous les sens, pour connaître les différentes qualités de l’objet dont une seule note ou une seule couleur a été perçue d’abord, et les réunir en une aperception unique. Même, dans ce cas, le cerveau saurait seulement comment l’objet est constitué, c’est-à-dire ce que le cerveau a immédiatement devant lui, mais nullement comment cet objet se comporte vis-à-vis les autres choses, où et quand il a déjà été perçu, de quels phénomènes il était accompagné, etc. La connaissance ainsi acquise de l’objet serait par conséquent encore complètement inutilisable pour la formation d’un jugement exact. On voit maintenant quel énorme avantage l’association d’idées fournit à l’organisme dans la lutte pour l’existence, et quel immense progrès dans le développement du cerveau et de ses fonctions cette acquisition signifie.

Cela n’est vrai toutefois qu’avec une restriction. L’association d’idées en soi ne facilite pas plus au cerveau sa tâche de connaître et de juger, que ne le fait la tumultueuse apparition d’images conservées dans le voisinage du centre d’excitation. Les aperceptions que l’association d’idées appelle à la conscience sont, il est vrai, avec le phénomène qui a envoyé une excitation dans le cerveau et a été perçu par celui-ci, en un rapport un peu plus étroit que celles qui surgissent dans le cercle géométrique de l’onde d’excitation ; mais ce rapport même est si lâche, qu’il ne prête aucun secours utile à l’interprétation du phénomène. Nous