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PSYCHOLOGIE DU MYSTICISME

Pour qu’un organisme puisse se maintenir, il doit être capable d’utiliser à son profit les forces naturelles et de se garantir contre les nocivités de tout genre. Il ne le peut que s’il a connaissance de ces nocivités et des forces naturelles à utiliser, et il le peut d’autant mieux et plus sûrement, que cette connaissance est plus complète. Dans l’organisme supérieurement différencié, le cerveau et le système nerveux ont la tâche d’acquérir la connaissance du monde extérieur et de l’employer à l’avantage de l’organisme. L’accomplissement de sa tâche est rendu possible au cerveau par la mémoire, et le mécanisme par lequel la mémoire est mise au service de la connaissance est l’association d’idées. Car il est clair qu’un cerveau dans lequel une unique perception éveille, par l’effet de l’association d’idées, toute une série d’aperceptions cohérentes, reconnaîtra, comprendra et jugera beaucoup plus vite qu’un autre, dans lequel n’existerait pas d’association d’idées ; ce dernier, par conséquent, ne formera que des idées ayant pour contenu les perceptions sensorielles immédiates et les aperceptions qui naissent dans les cellules que le hasard du voisinage a placées dans le cercle d’une onde d’excitation. Au cerveau qui travaille avec association d’idées, la perception d’un rayon lumineux, d’une note, suffit pour former instantanément l’aperception de l’objet duquel émane cette excitation sensorielle et de ses rapports dans le temps et l’espace, pour unir ces aperceptions en idées, et de ces idées abstraire un jugement. Au cerveau sans association d’idées, cette perception donnerait seulement l’aperception qu’il a devant lui quelque chose de lumineux ou dé sonore ; en même temps s’éveilleraient des