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faut un bain, j’aurai là les eaux de l’Éridan constellé. Heures circulaires, après avoir préparé le lit de Jupiter, formez pour moi l’asile de l’amour ; car vous-mêmes, suivantes du Soleil, vous venez de l’Océan ; et vous Latone, Minerve, Vénus, Charis, Diane, Hébé, faites la chaîne de vos mains, et apportez ensemble l’eau pour Typhée le nouvel époux. Enfin, que pendant mes festins nuptiaux, Apollon mon serviteur, au lieu des exploits de Jupiter, célèbre ma gloire sur sa lyre.

« Après, tout, ce n’est pas un territoire étranger que j’ambitionne. Uranus est mon frère, fils de la Terre comme moi : le ciel étoilé que je vais gouverner nous vient de ma mère. J’y ramènerai en auxiliaire mon autre frère, le vorace Saturne ; et je briserai les lions qui le retiennent dans les abîmes souterrains. Je rappellerai les Titans dans les airs. J’amènerai dans les cieux les Cyclopes, fils de la Terre, pour les habiter avec moi ; je forgerai d’autres armes de feu ; car il me faut bien des foudres, puisque ce n’est pas avec deux mains comme Jupiter que je les lance, mais avec deux cents bras. Je fabriquerai des éclairs d’une meilleure trempe, et d’une flamme plus vive que leurs aînés. Je créerai aussi un huitième ciel plus élevé et plus large que celui-ci, et des étoiles plus brillantes en seront la parure ; car le pôle, qui est là près de moi, ne suffit pas à me couvrir tout entier. Enfin, pour remplacer les nombreux enfante des deux sexes de Jupiter, je produirai une nouvelle génération de dieux à mille têtes. Je ne veux pas laisser languir dans le célibat le chœur des astres ; je marierai aussi les mâles aux femelles, et la Vierge céleste unie au Bouvier me donnera une légion d’esclaves. »

Telles furent ses clameurs. Le fils de Saturne en sourit ; la charge sonne pour tous les deux. La Discorde conduit Typhée à la bataille ; la Victoire guide Jupiter[1]. II ne s’agit ici ni d’un troupeau de bœufs ou de brebis, ni de la beauté d’une Nymphe, ni d’une ville chétive, mais bien de l’Olympe lui-même. Le prix que décernera la Victoire et qu’elle tient sur ses genoux, c’est le trône et le sceptre de Jupiter[2].

Alors, le roi des dieux fait résonner les mugissements aériens de son tonnerre, trompette de Bellone, au milieu des nues qu’il fouette devant lui ; et environnant sa poitrine d’un cercle de nues, il en forme une cuirasse contre les traits du géant.

Typhée de son côté ne reste pas muet. Ses têtes de taureau, clairons naturels, mugissent aussi dans tout l’Olympe. Ses serpents, fifres de Mars, sifflent entrelacés. Il entoure les rangées de ses membres d’un rempart de roches arrachées qu’il entasse jusqu’à ce que leurs quartiers rompus et posés, rang par rang, l’un sur l’autre, s’élèvent comme nos tour. Il place le bloc déraciné sur le bloc le plus large ; c’est l’image d’une armée véritable. Le rocher y renforce le rocher voisin ; le tertre, un tertre ; la

  1. La Victoire assise sur le char de Jupiter. — « Jupiter, lorsque dans les bas-reliefs ou peintures antiques il est représenté sur un char, a derrière lui la Victoire qui tient les rênes. » Cette observation de Winckelmann (Allegorien der Goeth., ch. II, p. 36) s’appuie sur ce passage de Nonnos, qui fait conduire Jupiter au combat par la Victoire ; c’est ainsi que, chez Euripide, Créuse, pour attester la naissance divine d’Ion, en jure par la Victoire Minerve, qui jadis combattit les Géants sur le char et à côté de Jupiter. Μὲ τὴν παραστήζουσαν ἅρμασίν ποτε Νίκην Ἀθηνᾶν Ζηνὶ γεγενεῖς ἔπι. (Euripide, Ion, v. 1415.)
  2. Hiatus supprimé. — Ἵστατο δῆρις Ὀλύμπυ. Κεῖτο δὲ γούνασι Νίκης. Je corrige ainsi ce vers entier en supprimant l’hiatus, qui n’est pas nonnique, et je ne puis me résoudre à y laisser subsister au pluriel, pour régir quatre substantifs, le verbe être ἐῆν, qui se montre au singulier un peu plus haut ; verbe faible, et insuffisant pour montrer la grande image de la lutte olympienne, quand Homère me fournit le verbe κεῖμαι, souvent employé en pareille circonstance.