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bénissez cette nuit…

Le transparent sommeil à l’ombre du bouleau,
Le rire des flots bleus dans les vives calanques ?
Mais l’amour est un fruit plus vivant et plus beau,
Tout composé de pulpe et d’âme, où rien ne manque…

Quitte cet air craintif, ce regard dédaigneux,
C’est l’immortel plaisir qui rira dans tes yeux,
Ainsi que l’aloès brise sa sombre écorce,
Quand tu seras pareil, perdant ta faible force,
À ces jeunes guerriers, orgueilleux et mourants,
Qui gagnaient la bataille ardente en succombant…
Hélas ! ta douce main dans mes mains se débat ;
Écoute, rien ne peut s’expliquer ici-bas.
Pourquoi ce ciel d’été, ces calmes rêveries
Du peuplier, debout sur la fraîche prairie,
Qui semble étudier, mage silencieux,
Les nuages qui sont le mouvement des cieux ?
Pourquoi cet abondant murmure des fontaines,
Ces sureaux engourdis par leur suave haleine,
Ces carillons légers, s’envolant des couvents,
Comme un pommier mystique effeuillé par le vent ?…

Ah ! ces nobles langueurs que jamais rien n’exprime,
Ces silences, comblés de promesses sublimes,
Le soir, cette fumée aux toits bleus des hameaux,
Ces rêves des bergers, jouant du chalumeau
Tandis que les brebis, dans la vallée herbeuse,