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JE VIVAIS. MON REGARD, COMME UN PEUPLE…


Je vivais. Mon regard, comme un peuple d’abeilles,
Amenait à mon cœur le miel de l’univers.
Anxieuse, la nuit, quand toute âme sommeille,
Je dormais, l’esprit entr’ouvert !

La joie et le tourment, l’effort et l’agonie,
De leur même tumulte étourdissaient mes jours.
J’abordais sans vertige aux choses infinies,
Franchissant la mort par l’amour !

Vivante, et toujours plus vivante au sein des larmes,
Faisant de tous mes maux un exaltant emploi,
J’étais comme un guerrier transpercé par des armes,
Qui s’enivre du sang qu’il voit !