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— Les blés roux et liés sont aux ruches pareils,
De tous les chauds vallons monte un parfum d’enfance,
Mais, embusqué le soir sur le coteau vermeil,
Comme un pourpre boulet le rapide soleil
Semble prêt à venger quelque indicible offense.

Ni le doux ciel coulant sur les fruits verts et bleus,
Ni l’eau pâle qui dort dans le cercle des saules,
En ces graves pays ne nous penchent vers eux,
En vain l’été répand ses baumes vaporeux,
Un plus fort compagnon s’appuie à notre épaule :

C’est vous, ange irrité, taciturne, anxieux,
Par qui le sang jaillit et l’ardeur se délivre,
Honneur secret et fier, qui marchez dans les cieux,
Par qui l’agonie est un vin délicieux,
Quand, pour vous obtenir, il faut cesser de vivre !

Exaltants souvenirs ! Ô splendeur de l’affront
Par qui chaque être, ainsi qu’une foule qui prie,
Se délaisse soi-même, et, la lumière au front,
Vif comme le soleil qu’un fleuve ardent charrie,
Préfère aux voluptés, qui toujours se défont,
Le grand embrassement du mort à sa patrie !