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Ils croyaient que mourir c’était être vainqueurs,
Et les armées semblaient les battements de cœur
De quelque immense dieu palpitant et sublime.

Ils tombaient au milieu des vergers, des houblons,
Avec une fureur rugissante et jalouse ;
Leurs bras sur leur pays se posaient tout du long,
Afin que, dans les bois, les plaines, les vallons,
On ne sépare plus l’époux d’avec l’épouse…

— Ô terre mariée au sang de vos héros,
Ceux qui vous aimaient tant sont une forteresse
Ténébreuse, cachée, où le fer et les os
Font entendre des chocs de sabre et des sanglots
Quand l’esprit inquiet vers vos sillons se baisse.

Plus encor que ceux-là, qui, vivants et joyeux,
Tiendront les épées d’or des guerres triomphales,
Ces morts gardent le sol qu’ils ramènent sur eux ;
Leur pays et leur cœur s’endorment deux à deux,
Et leur rêve est entré dans la nuit nuptiale…

Le Rhin, paisible et sûr comme un large avenir
Où s’avancent les pas de la France éternelle,
Verse à ces endormis un puissant élixir,
Qui, dans toute saison, les fait s’épanouir
Comme un rose matin sur la molle Moselle !