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JE DORMAIS, JE M’ÉVEILLE…


Je dormais, je m’éveille, et je sens mon malheur.
— Comme un coup de canon qu’on tire dans le cœur,
Vous éclatez en moi, douleur retentissante !

Un instant de sommeil est un faible rempart
Contre la Destinée, assurée et puissante.

Ne verrai-je jamais vos fraternels regards,
N’entendrai-je jamais votre voix rassurante ?
Quoi ! Même avant la mort, il est de tels départs ?
Qui parle en moi ? Mon corps, mes pensers sont épars.
Je ne distingue plus ma chambre familière ;
Peut-être ma raison a perdu sa lumière ?
Un aussi grand chagrin n’est pas net aussitôt ;
J’essaierai, mais pourrai-je accepter ce fardeau ?