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la prière


Il faudrait le formel et morne sacrifice,
Le désert refusant la rosée et le vent,
L’extase aux yeux noyés, renonçant au délice
De toucher à la mort avec un cœur vivant.

Aussi je n’ose rien demander à l’espace,
Je sais que la prière est un pressant amour
Qui, comme l’épervier sur le troupeau qui passe,
Tombe du haut du ciel, plus rapide et plus lourd !

Rien n’est pur, rien n’est bon dans le souhait des êtres,
Puisque tout est besoin de calme ou de sanglot,
Ivresse d’absorber, de croître et de connaître,
Inguérissable attrait de la soif et de l’eau !

Les puissants animaux, désolés et sublimes,
Qui dardent dans mon cœur leurs vœux déchus, divins,
Ne me laisseront pas monter jusqu’à vos cimes
Sans que mon être entier ait apaisé leur faim !

Et puis, avec quels yeux et quelles mains humaines
Concevoir votre esprit, vos aspects, vos séjours ?
Parfois, en suffoquant, je pressens vos domaines
Quand il faut plus de place à mon extrême amour ;