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Vois, sous leurs châles noirs, les tendres suppliantes
Joindre des doigts brûlants et songer doucement.
Divine pauvreté ! cet Alhambra les tente
Moins que les cabarets où boivent leurs amants !

Va prier dans Saint-Marc. Le Dieu des Évangiles
Marche, les bras ouverts, dans de blonds paradis.
On entend les bateaux qui partent pour les îles,
Et les pigeons frémir au canon de midi.

Des mosaïques d’or, limpides alvéoles,
Glisse un mystique miel, lumineux, épicé ;
Et vers la Piazzetta, de penchantes gondoles
Entraînent mollement les couples exaucés…

— Beau temple, que ta grâce est chaude, complaisante !
Ô jardin des langueurs, ô porte d’Orient !
Courtisane des Grecs, sultane agonisante,
Turban d’or et d’émail sous l’azur défaillant !

Tu joins l’odeur de l’ambre aux fastes exotiques,
Et tu meurs, des pigeons à ton sein agrafés,
Comme aux rives en feu des mers asiatiques,
La Basilique où dort sainte Pasiphaé ! …