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l’enchantement de la sicile

Tandis que, tel un dieu embrasé, fascinant,
Qui darde sur les cœurs son désir et sa ruse,
Le grand bélier d’argent du port de Syracuse
Avait je ne sais quoi d’avide et de tonnant…

Mettant sur mon regard mes deux mains comme un masque,
J’abordais la chaleur de midi. Dans les vasques,
Le pompeux papyrus condensait sa fraîcheur.
Une voiture avec un baldaquin de toile
Menait à Baïra, dormant sur la hauteur
Parmi des ronciers blancs et des chants de cigales,
Comme un mauresque hospice enduit d’un lait de chaux…
Montréal et son cloître ouvrait à l’azur chaud
Sa cuve où grésillaient les bananiers d’Afrique.
L’église, ruisselant de fières mosaïques,
Élançant ses piliers, minces comme des mâts,
Où l’or se suspendait en lumineuses grappes,
Ressemblait, par l’ardent et monastique éclat,
À vous, sainte brûlante, ô Rose de Lima,
Que l’on voit alanguie auprès d’un jeune pape…

Des muletiers passaient en bonnet espagnol ;
La fleur de l’aloès reflétait sur le sol
Le miracle étonné d’un calice de braise.
Des enfants transportaient des paniers, où les fraises
Bondissaient, retombaient, se mouvaient, rouge essaim,
Comme un jet d’eau pourpré qui pique le bassin.