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PALERME S’ENDORMAIT…


Palerme s’endormait ; la mer Tyrrhénienne
Répandait une odeur d’âcre et marin bétail :
Odeur d’algues, d’oursins, de sel et de corail,
Arome de la vague où meurent les sirènes ;
Et cette odeur, nageant dans les tièdes embruns,
Avait tant de hardie et vaste violence,
Qu’elle semblait une âpre et pénétrante offense
À la terre endormie et presque sans parfums…

Le geste de bénir semblait tomber des palmes ;
Des barques s’éloignaient pour la pêche du thon ;
Je contemplais, le front baigné de vapeurs calmes,
La figure des cieux que regardait Platon.
On entendait, au bord des obscures terrasses,
Se soulever des voix que la chaleur harasse :
Tous les mots murmurés semblaient confidentiels ;
C’était un long soupir envahissant l’espace ;
Et le vent, haletant comme un oiseau qu’on chasse,
En gerbes de fraîcheur s’enfuyait vers le ciel…